Ma petite histoire de l’informatisation des bibliothèques

La bibliothèque publique et son système d’information, de Henriet Avram à la médiation généralisée.

Je vous propose ci-dessous une petite histoire personnelle de l’informatique au service des bibliothèques, en trois parties. Je revendique son côté subjectif et me ferai un plaisir de la modifier, de la corriger, de l’enrichir, de vos propres souvenirs. N’hésitez pas à commenter, je mettrai à jour au fur et à mesure !

Le système d’information des bibliothèques publiques s’est développé en évoluant du cœur professionnel de l’activité jusqu’au service le plus étendu rendu aux usagers.

En trente-cinq ans, l’informatique a accompagné l’évolution des bibliothèques et l’a même favorisée, voire suscitée. En effet, la capacité des bibliothécaires à consacrer de plus en plus de temps à leur public, a été décuplée par la maîtrise des outils informatiques et numériques. Or c’est cette orientation vers la médiation, c’est-à-dire ce transfert de compétence de la technique bibliothéconomique vers l’action culturelle fondée sur la mise à disposition de médias, qui marque la transformation du métier de bibliothécaire.

 

 

Première partie : Format Marc et SIGB

AxiellFrance_BlogUn deuxième chapitre sur le portail est à venir, puis un troisième sur la RFID et les espaces publics numériques.

À nous d’écrire au quotidien le quatrième dans cette aventure professionnelle qui a changé les bibliothèques et les acteurs…

Le système d’information des bibliothèques publiques s’est développé en évoluant du cœur professionnel de l’activité jusqu’au service le plus étendu rendu aux usagers.

En trente-cinq ans, l’informatique a accompagné l’évolution des bibliothèques et l’a même favorisée, voire suscitée. En effet, la capacité des bibliothécaires à consacrer de plus en plus de temps à leur public a été décuplée par la maîtrise des outils informatiques et numériques. Or c’est cette orientation vers la médiation, c’est-à-dire ce transfert de compétence de la technique bibliothéconomique vers l’action culturelle fondée sur la mise à disposition de médias, qui marque la transformation du métier de bibliothécaire.

Lorsque, au début des années 80, les systèmes de prêt se sont répandus dans les bibliothèques publiques françaises comme une trainée de poudre, ils ne représentaient finalement qu’une amélioration « mécanique » des systèmes manuels très sophistiqués qui avaient été développés et affinés d’un bot à l’autre du monde.

De même qu’il a fallu attendre longtemps pour qu’un système informatique puisse égaler les procédés mécanographiques utilisés par le PMU, avec ses tringles magiques, de même, les premiers systèmes informatiques pour le prêt permettaient certes de faire des listes et d’imprimer automatiquement les lettres de relance mais n’étaient finalement pas plus pratiques qu’un bon vieux Newark ou qu’un bon vieux Brown (dit aussi Newark inversé) … Je parle ici des systèmes de prêt manuel extrêmement sophistiqués qui régnaient dans les années 70 et 80 et que les plus « expérimentés » d’entre nous se rappelleront avec plaisir…

Ces systèmes de prêt informatisés ont répondu avec les moyens de l’informatique de l’époque et ce qu’elle savait faire le mieux, compter, à la tâche la plus mécanique des bibliothèques de prêt… le prêt !

Mais, nous le savons, la circulation des documents et l’activité finale qui vient couronner un circuit qui permet de sélectionner, acquérir, recevoir, traiter, cataloguer, les documents. Et l’outil informatique a, en quelque sorte, remonté la chaîne de traitement…

De la circulation, on est passé au catalogage et au catalogue… En effet, pour prêter un document, il fallait le décrire au minimum… Parfois, dans certains systèmes, le numéro du code à barres servait de description. Très vite, d’autres ont ajouté des données bibliographiques et ont créé des enregistrements auxquels ils ont rattaché tous les codes à barres des exemplaires d’un même titre. Et, disposant ainsi d’un catalogue, les professionnels se sont dit que donner le moyen de rechercher les documents était un intéressant projet… C’est ainsi que naquit l’OPAC, Online Public Access Catalogue, au milieu des années 80, vitrine « publique » des enregistrements nécessaires au prêt des documents.

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Oh bien sûr, ce n’était pas très convivial ! recherche par chaîne de caractères, avant l’introduction de la recherche par mots-clés, vers 1985, faible nombre d’index, absence de licence orthographique, écrans « raides », voire minitel, sur lesquels on voyait les caractères sortir des coulisses et entrer en scène un par un…

Le format MARC

Depuis les années 70, un autre processus avait été mise en branle par les bibliothèques nationales, celui du catalogage informatisé. La mère de cette évolution majeure est l’américaine Henriette Avram. Son objectif ? normaliser et sécuriser les notices, qui faisaient la richesse de la Library of Congress. Évidemment, il fallait trouver un format permettant de stocker les données, de respecter les règles de catalogage anglo-américaines (AACR) et surtout, d’imprimer des fiches pour les distribuer à toutes les bibliothèques et pour les intégrer aux catalogues manuels ! Ce « cahier des charges » donna naissance au format MARC (Machine Readable Cataloguing). Dès le début des années 70, l’idéé d’un format informatique structuré s’est répandu et tous les pays ont commencé à imiter le MARC, chacun en l’adaptant à ses propres règles de catalogages.

C’est ainsi qu’en France, autour de l’idée de catalogage partagé, le fameux CAPAR, qui fait revivre la mémoire de de Marc Chauveinc, à l’époque à la BU de Grenoble, naquit un pré-format, MONOCLE puis ses deux enfants légitimes, SIBIL en Suisse et InterMarc en France…

Ces formats avaient la particularité, comme le MARC d’origine, de respecter les niveaux, entre notices-mères et notices-filles, lorsque l’on décrivait une collection, une encyclopédie ou plus généralement une publication en série. De la ême façon, le MAB des Allemands possédaient deux niveaux.

Très vite au cours des années 70, le pragmatisme américain conduisit à « l’écrasement » des notices et à l’abandon du format à niveau, alors que les Français, les Allemands, les Suisses et les Scandinaves les conservaient… Grand schisme qui a eu des conséquences majeures !

Toutes la famille des MARC sans niveau, respectant les normes nationales, UKMarc, CanMarc, IberMarc (et son frère ennemi CatMarc, des Catalans, séparatisme oblige) s’organisa autour du Marc américain ou USMarc, pendant que les Français et leurs voisins défendaient leur construction intellectuellement beaucoup plus satisfaisante mais… nettement moins exportable ou partageable !

Aussi, pour revenir à nos moutons après cette longue digression, lorsque les systèmes informatiques pour bibliothèques commencèrent à remplacer leurs fichiers propriétaires par le MARC dans ce que l’on commença alors à appeler SIGB, sous la pression en particulier des bibliothèques universitaires canadiennes et américaines, ils choisirent naturellement la famille « écrasée » … Et l’importèrent en Europe puisque les systèmes nord-américains qui les premiers popularisèrent le MARC, devinrent dominants dans les grandes bibliothèques anglaises, françaises, espagnoles…

Il était tout de même dommage que les données bibliographiques – et plus tard d’autorité – en format Marc ne pussent être échangées entre les BN du monde, qui échangeaient religieusement des bandes magnétiques, qui dormaient tranquillement dans les dépendances des salles informatiques… Pire encore, la BN ne pouvait fournir ses données aux bibliothèques françaises elles-mêmes…

C’est alors que sous l’impulsion de la Direction du Livre et de son système coopératif LIBRA, proposa l’usage local et en saisie de l’UNIMARC, format d’échange promu par l’IFLA justement pour permettre aux bibliothèques d’échanger quel que soit leur format de saisie. Très logiquement, malgré les manques de k’UNIMARC qui n’était à l’origine pas prévu pour cela, la Direction du Livre préféra que l’Unimarc soit utilisé comme format natif, plutôt que de ne servir qu’à transformer l’INTERMARC à niveaux de la BN en un autre MARC, mais lequel ?

Si LIBRA, trop lourd, trop lent, trop « institutionnel » ne survécut pas à sa confrontation avec les systèmes commerciaux de l’époque proposant le format MARC, LIB100 de CLSI et surtout GLIS de Geac, il imposa cependant l’usage de l’UNIMARC dans les bibliothèques de lecture publique française, qui y vinrent toutes, au fur et à mesure du basculement de leur système informatique dans le format Marc.

Indiquons pour mémoire que les BU ont vécu une histoire non moins complexe dans ce domaine, pour arriver aujourd’hui à une situation dans laquelle la très grande majorité des BU de sciences ou interdisciplinaires utilisent l’USMarc, devenu au fil de ses versions et de ses refontes le MARC21, alors que la plupart des BU de Lettres et Sciences humaines utilisent l’UNIMARC.

Voici donc, au milieu des années 80, nos SIGB armés d’un système de circulation, d’un système de catalogage, les deux modules communiquant en général en temps différé, avec mise à jour nocturne. Le module d catalogage a donc une interface publique, l’OPAC. Notons qu’un petit groupe d’amis, à la fin des années 80, lors d’une soirée arrosée, chez le regretté Jacques Bourgain, tenta de combattre l’aspect peu transparent de l’OPAC (ce qui est un comble pour un catalogue !) en trouvant le génial acronyme CIEL (Catalogue informatisé En Ligne), qui renversait la perspective… mais qui ne prit jamais. Dommage.

C’est dans la deuxième partie des années 80 que, continuant leur remontée vers la source, les SIGB se mirent à envisager le développement de modules d’acquisition et de contrôle des périodiques. Signalons à ce sujet une petite société de hippie californiens qui développa sur PC vers la fin des années 80 une formidable application dans ce domaine, très en avance sur son temps, qu’elle vendit à des milliers de bibliothèques qui l’utilisaient sans lien avec leur SIGB. Il s’agit de… Innovative Interface, qui entama de cette façon sa belle carrière dans les bibliothèques !

À la fin des années 80, les SIGB ont dont atteint leur forme « canonique ». Ils sont constitués d’un module d’acquisition, d’un module annexe de contrôle des périodiques, d’un module de catalogage avec son interface publique et d’un module de circulation.

Bien sûr, nous sommes encore loin de l’éventail de fonctionnalités très avancées, de la profondeur des moyens et de l’évolution technologique offerts par les bons SIGB en 2016, mais les cadres sont là. Je voudrais à ce sujet revenir sur une idée qui se répand dans les bibliothèques selon laquelle le SIGB est désormais un outil « achevé et que toutes les offres se valent. C’est bien entendu faux. Croyez-moi, après des années de travail en tant que consultant en particulier dans le domaine des systèmes d’information pour bibliothèques, je peux affirmer catégoriquement que ce n’est pas le cas… Entre deux SIGB qui sont censés accomplir une même tâche, la variation est énorme ; en termes de souplesse de paramétrage, d’étendue des fonctionnalités, d’ergonomie (ce point est essentiel), d’ouverture du système à la coopération, les différences sont si importantes qu’elles peuvent avoir un impact radical sur le fonctionnement des établissements. On voit beaucoup de bibliothèques – pas tant en France que dans d’autres pays, en particulier l’Allemagne – négliger le renouvellement de leur SIGB, souvent pour des raisons financières mais aussi parce que leurs responsables pensent que tout ça se vaut et qu’ils sont fatigués à l’avance à l’idée d’une telle entreprise. C’est une erreur.

Les domaines dans lesquels les SIGB vont évoluer pendant les vingt-cinq ans qui viennent de passer, sont essentiellement de trois ordres :

  • La coopération et le partage des données catalographiques,
  • La qualité des interfaces et de la manipulation des outils et des contenus,
  • L’infrastructure technologique.

Une évolution tellement importante qu’elle a suscité la naissance d’un autre élément devenu dominant, le portail, est bien entendu celle des catalogues.

//Jean-Pierre Sakoun

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